Writober #3

Jour 3 du défi writober 2022. Le mot dans la liste des “Murmures Littéraires ” est Murmures.

J’espère que cette histoire vous fera voyager!

Murmures

L’homme avait la voix grave et les cheveux blancs. L’empreinte de ses bottines traçait une route sur laquelle il ne se retournait plus. De toute façon, il ne savait plus d’où il était venu.

Il avait eu la chance de découvrir le monde, d’en nourrir son intelligence, mais aujourd’hui, son savoir n’avait plus de sens. Il ne servait plus à rien. Les portes de son entreprise, son bureau s’étaient refermés sur lui. Ses collègues avaient profité d’un verre de cava offert avant de s’en retourner vers leurs écrans connectés.

Tout ce qu’il savait désormais ne servait plus à personne. Un gamin imberbe avait pris possession de son fauteuil.

L’homme s’était assis sous le porche de sa maison. Dehors, le vent et les grillons parlaient un langage qu’il ne connaissait pas. Il ôta ses chaussures, ses chaussettes posant ses pieds nus sur le bois brut.

Soudain, deux petits bras se posèrent sur ses épaules.

  • Tu savais, papy, qu’on avait 35 % de gènes communs avec la jonquille ?

Plongé dans ses pensées, il n’avait même pas remarqué le tapis jaune qui s’étendait devant lui. Le temps était passé, il avait oublié le chemin des grands arbres. Son cœur s’était vidé. Il avait perdu l’équilibre au milieu des villes et des allées bétonnées. Ses épaules s’étaient voutées. Les petites mains s’étaient envolées aussi vite qu’elles étaient arrivées. Un souvenir embrumé.

 La nuit était tombée. Les étoiles s’étaient levées. Il n’avait pas bougé.

C’est à ce moment-là que ça avait commencé à le chatouiller. Au départ, rien de particulier. Juste une caresse à la base de la nuque. Quelque chose d’agréable qui lui murmurait de regarder les grands arbres. Ils étaient là depuis tellement longtemps.

Combien de mémoires s’étaient accumulées au cœur de ces géants figés ?

De leurs milliers d’yeux verts, ils avaient capturé le monde. Ils avaient vieilli, grandi. Un monde invisible aux yeux des hommes.

La caresse sur la nuque avait glissé vers la racine de ses cheveux, faisant onduler les mèches au même rythme que les petites branches naissantes. Il fallait qu’il apprenne à danser avec elles. Ses jambes avaient pris la couleur de l’écorce. Ses orteils s’étaient plantés dans la forêt. Le porche avait disparu. Il n’était plus lui. Il était eux. Il était nous. L’homme n’avait plus bougé.

Il sourit. La caresse s’était déplacée sous la plante des pieds. L’attirant. Plus profond.

C’est là qu’il prit conscience de son importance et de la leur. Il allait pouvoir leur raconter à eux, les bruits de la ville, les rêves d’humains, ils allaient pouvoir lui raconter leurs larmes végétales.🍃🍃🍃

🌥️Depuis peu, le soleil s’était levé. Sur le porche de la maison, une jeune pousse était née. Tout autour, des milliers de murmures herbacés lui souhaitaient la bienvenue.

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