
Le weekend a été chargé… J’ai un peu de retard dans mon défi! Voici le septième jour. je vous présente Marguerite,.
Le mot du jour est “chaussures à lacets” …
PS: Ne vous fiez pas aux apparences🍃🍃🍃
Marguerite
Ce n’était pas tous les jours que Marguerite s’arrêtait devant une vitrine, mais là, son œil avait flashé. Ce n’était pas tous les jours non plus qu’elle en franchissait le seuil. Il fallait savoir que Marguerite était la bête noire des vendeurs. Ils avaient tendance à la laisser poireauter pendant des heures espérant qu’elle quitte le lieu sans les interpeler. Mais cette fois-ci, il y avait dans son regard un petit quelque chose qui pouvait sembler insignifiant, mais qui brillait sous sa paupière.
Elle avait pris soin d’examiner l’objet de ses désirs sous toutes les coutures. Les souliers à lacets vernis lui avaient tapé dans l’œil. Elle avait sorti son petit portemonnaie défraichi, et avait recompté la monnaie qui s’y trouvait plusieurs fois. Le compte y était.
Les chaussures à lacets l’avaient compris. Elles avaient été choisies. Elles étaient nées sous les mains d’un cordonnier qui les avaient bichonnées. Il leur avait parlé pendant des heures au point de les faire rougir, d’un rouge grenadine. Elles étaient une paire de chaussures à lacets faites pour illuminer les journées d’une jeune fille indépendante et légère pas d’une fille de la forêt.
La cohabitation n’allait pas être légère. Les chaussures, elles-mêmes, se rétractèrent. C’est que Marguerite ne remplissait pas leurs critères. Elles décidèrent de commun accord de se rendre inconfortables, ternes, rigides et rugueuses comme le lit de la rivière. Elles refusèrent d’être achetées, mais le mal était fait. Marguerite avait choisi. Ce seraient elles ou personne.
Marguerite poussa la porte du magasin. Le caissier soupira. Les empreintes de ses doigts crasseux avaient marqué la clenche de la porte. Il allait devoir la récurer pendant des heures.
Dans l’arrière-boutique, les vendeuses s’étaient réunies. Elles avaient savamment appliqué la règle de ne pas s’approcher de Marguerite aux pieds puants. Le magasin allait empester pendant des heures. Ici, on le savait, des champignons pousseraient sous chacun de ses pas. Il allait falloir les éradiquer à coup de pesticides pendant plusieurs semaines.🍄🍄🍄🍄
Ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’il avait fallu bien du courage à Marguerite les pieds qui puent pour oser s’aventurer jusqu’ici. Elle avait hésité, reporté longtemps cette tâche ingrate de se mélanger aux gens. Les odeurs, les parfums, les regards, les belles robes. Ça, Marguerite ne connaissait pas ou, du moins, elle ne connaissait plus. Son palais s’était habitué au gout du beurre rance, ses oreilles savouraient le bourdonnement des abeilles qui y stockaient leur miel, ses aisselles et ses orteils laissaient vagabonder, champignons et scarabées. Marguerite n’était jamais seule, elle était accompagnée d’une multitude d’insectes qui virevoltaient, rampaient, glissaient. 🐛🐜🐝🪲🐞🪳🕷️🦟
Alors, voyant le temps passer, Marguerite se dirigea vers la vitrine. Elle attrapa la paire de souliers. Le vendeur en fut offusqué. Levant les mains au ciel, désespéré. Elle se dirigea vers la caisse au fond du magasin. Elle vida son petit portemonnaie sur le comptoir. Toutes les pièces voyagèrent à gauche ou à droite se moquant joliment du carnage qu’elles effectuaient. Chaque cliquetis donnant naissance à une primevère, un bouton d’or, une herbe verte.🌿🍁🍃
C’est qu’ici, en ville, il y avait bien longtemps qu’on ne savait plus qui était Dame Nature. On racontait aux enfants l’histoire de quelqu’un d’autre. Ils ne l’avaient jamais reconnue.