writober #4

Connaissez-vous la fête de Samain? Pour ce 4eme jour de witober, il est temps de faire la fête 🦇

La fête de Samain était célébrée 3 jours avant le 31 octobre et 3 jours après, du 29 octobre au 4 novembre. Il s’agissait d’une des quatre fêtes de l’année. Elle marquait le début de la saison sombre. La semaine se déroulait comme suit :

  • Jour 1 : On honore les héros 
  • Jour 2 : On honore les défunts
  • Jour 3 : Après avoir éteint le feu dans leurs habitations, les propriétaires se rassemblaient sur la grande place du village. Un feu sacré, allumé par les druides, honorait Been, le dieu du Soleil, et chassait les mauvais esprits. Chaque famille recevait une braise lui permettant d’allumer chez elle un nouveau feu, qu’elle devait maintenir jusqu’à l’automne suivant.
  • Jour 4 : C’est le grand jour! Les morts refont surface.
  • Jour 5, 6 et 7 : les familles se rassemblent et font la fête.

#4 – Souvenirs

  • Hey ! tourne ta tête par ici, face de cratère ! hurlèrent deux adolescents.

Par curiosité, Gorgy avait tourné la tête du côté de la voix. Une bouse de vache toute fumante s’était fracassée contre son visage.

Finalement, face de cratère, ce n’était pas si mal. C’était même drôle. On lui avait donné bien pire comme surnom.

Depuis qu’il était revenu de la guerre, même les miroirs ne le reconnaissaient plus. Il avait perdu la moitié de son visage. Un obus. L’explosion dans la tête. Le sang. Le black-out. La souffrance. La morphine. Le réveil. La réalité. Il n’y avait rien d’autre à dire ni à raconter. À quoi bon débagouler des souvenirs que personne ne comprendrait.

On lui avait donné un masque. En cuir. Il avait perdu l’envie de manger. On lui avait dit qu’il pouvait rentrer chez lui. Sa femme en avait aimé un autre. Ses enfants avaient eu tellement peur qu’ils s’étaient envolés.

Aujourd’hui, il n’avait pas envie de s’énerver contre ces gamins qui s’encouraient en riant. Aujourd’hui, c’était le plus beau jour de l’année. Son plus beau jour de l’année. Aujourd’hui, il n’avait pas besoin de se cacher. Lui qui portait un masque toute l’année pouvait aujourd’hui montrer son vrai visage. C’était la fête de la fin de l’été, c’était Samain. Ce soir, on laisserait les feux s’éteindre d’eux-mêmes. On fêterait les morts. On fêterait les odieux et les horreurs. On le fêterait lui.

Bien entendu, le bourgmestre du village lui avait demandé de faire preuve de sobriété. Il fallait faire peur aux enfants, mais pas trop.

Gorgy avait son avis sur la question. La sobriété, finalement, c’est toujours très ennuyant. On peut faire peur, mais pas trop, on peut boire, mais pas trop. On peut mourir, mais pas trop.

« Finalement » était un mot qu’il aimait vraiment beaucoup.

Il lui avait répondu que « finalement », lui, n’était pas mort alors qu’il aurait bien voulu un enterrement avec les honneurs dans la sobriété de la guerre. Il aurait bien aimé des larmes sobres de tristesse. Il aurait été fier de recevoir une médaille dans la sobriété des honneurs. Mais la mort n’avait pas eu besoin de lui.

Gorgy avait compris que c’était dans l’excès que naissaient la colère, l’envie, l’extase. La guerre le lui avait bien expliqué. Et avec la guerre, il valait mieux bien étudier ses leçons.

Alors, Samain, c’était son jour. Il avait retiré le masque et ouvert sa maison. Il savait que les décorations, les citrouilles et les bonbons attireraient les enfants. Il avait disposé les appâts dans la maison. Des chocolats par-ci, des sucettes par-là. Jusqu’à la cave.

Après tout, aujourd’hui, la nuit était aux morts qui visitaient les vivants. Il avait choisi d’amener les vivants aux morts. Et comme la mort n’avait pas voulu de lui, il l’avait invitée aussi. Il avait brisé les miroirs, défigurant chaque visage qui s’y regarderait.

Comme il l’avait prévu. Les enfants étaient venus. Ils voulaient avoir peur et voir le monstre de la guerre. Mais le monstre n’était plus chez lui. Une fois les enfants entrés, il avait refermé les portes sur eux. Comme il en était de coutume, tous les feux étaient éteints dans la maison, mais il avait emporté quelques braises tirées du nouveau feu sacré. Il fallait qu’il les dispose quelque part pour rallumer un nouveau feu et protéger ainsi le foyer tout au long de l’année. Il avait choisi de déposer les braises aux quatre coins de la maison. Les braises, ranimées par le vent, léchèrent le bois de la maison qui les accueillit. La maison aimait avoir chaud. La fumée pénétra les murs et les poumons des enfants coincés à l’intérieur.

Aujourd’hui, c’était son jour de fête. La fête des croque-mitaines. Personne, non personne, ne se rirait plus de lui.

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